Les bénéfices
Par: Pierre Boulay
Les bénéfices du tapis roulant pour limiter les désagréments de la course en hiver
La perception du tapis roulant comme un outil d’entraînement seulement pour le coureur débutant est obsolète. Sa capacité de simuler des parcours et de produire des allures de course précises dans un environnement contrôlé lui donne un avantage décisif comparé à une séance à l’extérieur l'hiver. Je considère le tapis roulant comme un outil précieux lors de l'entraînement hors saison ce qui permet de limiter les désagréments de la course en hiver. D’ailleurs, plusieurs coureurs élites l’utilisent régulièrement. Évidemment, le tapis ne pourra jamais remplacer les conditions réelles d’une course extérieure. Avec un peu de créativité, vos entraînements seront moins monotones et vous obtiendrez un coup de pouce afin de maintenir une intensité plus élevée lors d’une séance de fractionnée (intervalles) que si vous tentez la même séance de course lorsque le mercure descend, les routes sont glacées ou la neige damée diminue la traction de vos foulées. Cependant, il est important d'avoir un plan d'action quand vous sautez sur le tapis afin d’avoir la forme physique désirée lorsque le printemps sera de retour pour vos entraînements à l’extérieur.
Attendez-vous à transpirer davantage, car lors des séances à l’intérieur vous n’aurez pas à subir l’effet du vent. L’air permet d’évacuer la transpiration et de rafraîchir le corps pendant l’effort. Ainsi, à effort identique, la fréquence cardiaque sera aussi plus élevée, car l’organisme devra fournir un effort supplémentaire pour réguler la température corporelle (thermorégulation). Il sera donc important de bien s’hydrater lors de vos séances sur tapis. Pourquoi ne pas profiter de l’occasion pour pratiquer davantage vos stratégies d’hydratation et alimentation lors de vos séances ? Une occasion parfaite afin de vous préparer pour votre prochain ½ marathon ou marathon.
Il est bien connu que la course sur tapis roulant ne recrée pas la même biomécanique que celle sur route : il n’y a pas de résistance à l’air, et c’est la bande du tapis roulant qui défile sous vos pieds, la propulsion est donc moindre. La foulée est modifiée, vous devrez ramener le pied plus rapidement sur le tapis pour suivre le roulement de la bande. Conséquence : une phase de propulsion moins importante et un travail musculaire sensiblement différent de la part des extenseurs de la jambe (des exercices spécifiques pour ceci seront recommandés dans la 2e partie de l’article le mois prochain). Afin de compenser pour ceci, il est recommandé d’augmenter la pente sur le tapis roulant (voir la théorie de 1% plus bas). Une étude récente dans la revue Medicine and Science in Sports and Exercise a démontré que pour une même vitesse, le nombre de foulées par minute était plus élevé sur le tapis roulant que lorsque la course était à l'extérieur (175 versus 170 foulées/min). Conséquemment, le temps de contact du pied au sol est plus court ce qui s’avère un autre avantage de la course sur tapis roulant. Ce phénomène est souvent problématique chez certains coureurs. L'utilisation du tapis roulant pourrait être une belle occasion afin d'améliorer votre fréquence de foulée, votre performance neuromusculaire et diminuer le temps de contact au sol. Bref, pourquoi ne pas profiter de l’hiver pour améliorer votre technique de course ?
La théorie du 1 % : À l’extérieur, vous courez toujours contre une résistance à l’air. Plus vous allez vite, plus cette résistance sera importante, vous obligeant du même coup à fournir un effort encore plus important (une dépense d’énergie supérieure d’environ 5 %). À contrario, la résistance à l’air est absente lors de la course sur tapis roulant. Pour reproduire un effort similaire, une étude de l’université Brighton qui date d’environ 15 ans, avait démontré que pour compenser pour la résistance du vent qu’il fallait augmenter l’inclinaison du tapis d’environ 1 %. Par ailleurs, à des vitesses moindres, la résistance à l’air est certes moins importante, mais elle existe toujours. Selon les chercheurs, jusqu’à une allure d’environ 12 km/hr (5 min/km), la différence est négligeable, il n’est donc pas nécessaire d’augmenter l’inclinaison. Entre 12 et 18 km/hr (5 min/km – 3 :20 min/km), il faut augmenter l’inclinaison du tapis de 1 %. À des vitesses plus élevées, il faudra augmenter le pourcentage de la pente à 2 % pour compenser l’absence de la résistance de l’air. Par conséquent, pour la grande majorité des coureurs, il n’est donc pas nécessaire de mettre une pente de plus de 1 %.
Voici une séance sur tapis roulant qui peut vous aider à faire passer les km plus rapidement et d’éviter que votre séance soit une corvée fastidieuse.
Entraînement tempo (au seuil) : Choisir une émission de télévision que vous aimez regarder : après 5-10 min de course facile, augmenter votre allure de course à un rythme tempo (environ 5 à 10 sec/km plus lent que votre allure de course lors d’un 10 km ou ½ marathon) et maintenir pendant votre émission. Ralentissez à un jogging lent, pour la récupération, pendant les publicités et retourner à votre allure de course au rythme tempo quand l’émission reprend.
Vous n’avez pas accès à la télévision ? Aucun problème, vous pouvez adapter la séance avec de la musique : après une course facile pour la durée de 2 chansons, augmenter votre allure de course à un rythme tempo pour 2 chansons. Ralentissez à un jogging lent, pour la récupération, pendant la prochaine chanson et retourner à votre allure tempo au début de la chanson suivante pour une durée de 2 chansons. Répéter à nouveau pour la durée d’entraînement prévue.
Le mois prochain pour la 2e partie de l’article, j’aborderai différentes modalités d’entraînement (fractionnées, les côtes, etc.) afin d’agrémenter vos séances sur tapis roulant cet hiver et d’amorcer votre prochaine saison de compétition en force.
Pierre Boulay, Ph.D.
Kinésiologue et entraîneur personnel pour coureur, cyclisme et triathlète
Physiologiste de l’exercice (SCPE) et Clinical Exercise Specialist (ACSM)
Évaluation de la capacité aérobie (VO2max), lactate sanguin et analyse de course et vélo afin de déterminer des cibles d’entraînement spécifiques et personnalisées
boulayp@me.com
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Serge Camiré (vendredi, 06 mai 2022 05:41)
Je me suis entraîné tout l'hiver sur tapis roulant en étant accompagné par 2 ventilateurs sur pied et la chaîne YouTube et/ou le programme iFit. J'effectuais des variations de cadence en pyramide ou des sorties à vitesse constante tout en alternant la pente pour stimuler mon corps.
Dès que les conditions sanitaires l'ont permises, je me suis inscrit au demi-marathon de Toronto du 1er Mai 2022. Dans les 16 semaines précédentes, ma seule expérience à l'extérieur était une sortie, un 15 km. La journée de l'événement, j'ai survolé les 21 km à la même vitesse que toutes les autres à laquelle je m'étais déjà inscrites.
C'est une preuve qu'un entrainement sur tapis peut être profitable, agréable et sécuritaire.